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Images latentes.

Il faut toujours faire bon accueil aux faits qui sont en opposition avec nos théories. Tout ce que nous avons décrit jusqu’ici tend à une même conclusion : la dépréciation de l’imagerie en général, et de l’imagerie visuelle en particulier. C’est une raison de plus pour je n’omette pas un certain nombre de faits que j’ai recueillis autrefois, dans des recherches déjà mentionnées sur des images de lecture. Ces recherches ont montré que nous avons, en lisant, des images bien plus précises que nous le supposons. Ce sont des images de position, de mise en scène. En lisant une description qui nous intéresse, par exemple dans un roman d’aventures, nous situons les acteurs les uns par rapport aux autres, et nous faisons une plantation du décor ; tout cela se fait sans idée arrêtée, sans intention ; et ensuite, lorsqu’on demande au lecteur s’il s’est représenté une mise en scène de roman, il déclare spontanément que non ; il faut lui dessiner un plan de la scène, lui dire que tel personnage vient par le fond, pour qu’aussitôt il prenne conscience de sa mise en scène personnelle, qui est en contradiction avec celle que nous lui indiquons. C’est à peu près de la même manière qu’on révèle parfois à une personne son audition colorée ; à la question : les lettres ont-elles des couleurs ? elle répondra négativement ; mais si on insiste en lui disant : l’a n’est-il pas rouge ? Elle se récrie et déclare qu’il est noir. J’ai fait dessiner par plusieurs personnes un grand nombre de ces mises en scène à demi inconscientes, dont elles avaient commencé par nier l’existence. Je donne la description écrite que m’en a fournie Jacques Passy.

« Questionné sur le point de savoir si en lisant je fais la mise en scène, si je vois la topographie des lieux et la