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je viens de contempler, si ce n’est la dernière ; pour fixer dans ma mémoire une des images, il faut que je la prenne comme objet d’une réflexion.


Caractère analytique de l’image.

D’après de longues et minutieuses questions que j’ai posées à Marguerite, un des caractères de l’image visuelle, comparée à la vision, est d’être une analyse. C’est moi qui emploie le mot, non la fillette ; mais c’est bien son idée que ce mot exprime. Je donne quelques exemples. Dans une expérience, elle pense à la blanchisseuse, et, sur ma demande, elle dit, décrivant cette image : « Si j’avais vu la blanchisseuse en nature, je crois que j’aurais distingué comment elle était habillée, ce qui l’entourait, ce qu’elle faisait ; je n’aurais pas vu qu’elle. Je n’ai vu que sa tête, je crois ; si j’ai vu sa personne entière, je l’ai vue tout à fait imparfaitement. » — Une autre fois, elle se représente un coin de cour, et comme je lui demande quelle différence avec la réalité, elle dit : « La réalité, j’aurais vu des choses que je n’ai pas vues ; des pierres sur la route, un tas de choses comme ça. » — Dernier exemple. Dans l’épreuve qui consiste à écrire des séries de 20 mots, elle écrit une fois des mots comme cristallin, guidon. Je l’interroge, et elle m’apprend qu’elle s’est représenté, pour cristallin, l’œil de notre chien, et pour guidon, le guidon de sa bicyclette. Elle a très peu visualisé le reste, par exemple la tête du chien ; et pour la bicyclette, elle n’a vu ni la selle ni la roue de derrière. Je lui demande encore les différences avec une vision réelle, et elle répond, non sans quelque embarras : « Si je voyais la bicyclette, je ne verrais pas qu’un guidon, je verrais tout. C’est la même chose pour notre chien ; s’il était sous mes yeux, j’aurais vu le corps tout entier, et j’aurais eu l’idée de mettre (dans la série de mots qu’elle écrit) autre