Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je transcris quelques mots d’une conversation sur des images : « Il faut que je n’aie plus rien à penser, pour que j’aie des images. — D. Développe un peu cette idée que les images et les idées s’excluent. — R. Elles sont séparées les unes des autres et ne viennent jamais ensemble. Je n’ai jamais d’images quand un mot me suggère un très grand nombre de pensées. Il faut que j’attende un certain moment. Lorsque sur ce mot j’ai épuisé toutes les pensées, alors les images me viennent, et si les pensées recommencent, l’image s’efface, et alternativement. Les images, j’en ai beaucoup moins, mais elles durent beaucoup plus longtemps que les pensées. »

Outre la difficulté très spéciale qu’elle éprouve à décrire ses images, Armande explique encore que les images sont extrêmement nombreuses, quelques-unes tout à fait insignifiantes, et qu’elles sont pour la plupart frappées d’amnésie, quand elles ont disparu.

Je transcris le passage suivant : il est curieux comme analyse exécutée par une fillette de quatorze ans.

« Je crois que j’ai des multitudes d’images chaque fois ; seulement elles sont tellement vagues, et me laissent si peu le temps d’y penser que je les oublie aussitôt. D’habitude, je ne dis que les images dont je me souviens. Il y en a une multitude d’autres qui sont très vagues, et mêlées aux réflexions. — D. Que te rappelles-tu le mieux, les réflexions ou les images ? — R. Je me rappelle mieux les réflexions, car je me parle, je formule les mots, tandis que, pour les images, il n’est pas possible que je m’en souvienne beaucoup. Quelquefois, elles ont l’air de venir ensemble, et je ne puis les séparer. Quand je cherche une image, il y en a beaucoup qui s’en vont avant que j’en aie trouvé une.

« Les images qui restent sont celles dont je me suis aperçue, que j’ai vues quand elles sont venues. Les autres, je n’en ai pas conscience ; je ne les vois qu’après qu’elles