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4 mois. « Marie ? — R. Oui. Je vois Marie de face, le corps un peu de profil. Je ne sais pas en quel endroit. 10. Je ne la vois pas trop bien. » Dernier exemple. « Une fête ? — R. Fête de S…, pas celle de cette année. Celle de l’année dernière. 10 ou 11. » Le nombre de ces souvenirs plus anciens n’est pas grand, parce que Marguerite a une tendance à évoquer surtout les souvenirs les plus récents.

3o Le troisième groupe, celui des images faibles, est plus pauvrement représenté encore. Il comprend des souvenirs de lecture, de récits entendus, et des représentations imaginaires qui sont restées très vagues. Je donnerai des exemples de ces trois genres de représentations. Souvenir de récit : « Un cheval échappé ? — R. Ah ! ben, c’est d’après le récit que Luc… m’avait fait d’un cheval échappé à Meudon, 3 ou 4. Je ne peux pas bien me le représenter. » Souvenir de lecture : « Modestie ? — R. Oh ! j’ai pensé à une petite fille dans un conte de fées, qui s’appelait Modeste. — D. Combien ? — R. Oh ! 5. » Représentation imaginaire : « Une petite fille cueillant des coquelicots ? — R. C’est que je ne me représente pas du tout ça. Oh ! 4. Ce que je me le représente mal ! » « Une tempête de grêle ? — R. 5 ou 6. Je ne me représente pas trop bien. »

Il est impossible de ne pas remarquer que la vivacité de l’idéation chez Marguerite est soumise à une loi d’une régularité parfaite ; c’est presque schématique ; l’esprit de Marguerite fonctionne comme un appareil enregistreur bien réglé, en effet ; l’intensité de l’image qu’elle évoque est presque toujours inversement proportionnelle à son ancienneté ; tout se passe comme si ses images étaient des lumières que la perception allume et qui perdent progressivement de leur éclat, à mesure que le temps s’écoule, jusqu’au moment où elles finissent par s’éteindre. Cet enlacement régulier des images paraît du reste un fait très naturel et très logique ; on comprend que l’évolution se produise ainsi, quand aucune cause extérieure ne vient