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demanderai à mes sujets une impression d’ensemble sur leurs images.

Le fait essentiel et dont on ne peut pas douter, c’est que certaines gens ont la conviction, quand ils ont des images, de presque revoir la réalité : « c’est comme si je voyais l’objet, » dit-on souvent ; d’autres images ne sont nullement accompagnées de ce sentiment de satisfaction ; on dit qu’on se représente mal, ou même qu’on ne se représente pas du tout. Le terme de comparaison qu’on emploie d’ordinaire pour rendre compte de l’intensité d’une image est fourni par la perception des sens.

On compare la représentation d’un objet, comme vivacité, richesse en détails, etc., à la sensation ou perception qu’on aurait si l’objet était là, présent à nos sens, posé matériellement devant notre œil ouvert ; chacun peut faire cette comparaison avec ses propres images, en y mettant plus ou moins de soins et de discernement, et décider si, pour lui, la représentation mentale égale la sensation. Chacun donne ainsi le résultat de son examen individuel. On est allé plus loin : confrontant ces divers examens individuels, on a conclu que la puissance de représentation mentale est tout à fait inégale chez les différents individus, puisque les uns affirment que leurs images sont aussi fortes que la réalité, au moins dans certaines conditions, tandis que d’autres affirment que leurs images ont une vivacité bien plus faible.

J’ai prié mes fillettes de donner une appréciation sur l’intensité des images qu’elles forment à la suite des mots que je prononçais devant elles. Puisque ces deux sujets ont des types intellectuels si différents, que l’un est observateur et l’autre imaginatif, il était très intéressant de savoir lequel des deux avait les images les plus nettes, dans n’importe quel domaine.

Dois-je dire, avant d’exposer les expériences, le résultat auquel je m’attendais ? Il me semblait qu’Armande