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trancher le débat. Mais ce qui paraît assez bien établi, c’est qu’on ne peut plus croire à un antagonisme entre la circulation du cerveau et celle des membres. Une foule d’épreuves sont en contradiction avec cette conception simpliste. Mosso lui-même l’abandonne aujourd’hui.

Dans son ouvrage récent sur la Température du cerveau[1], il a repris l’étude volumétrique du cerveau sur un individu dont les méninges étaient mises à nu par une plaie de l’occipital.

Il a fait sur ce sujet un grand nombre d’expériences de calcul mental, accompagnées de très beaux tracés (voir le chapitre xii) ; il prenait à la fois le volume du cerveau, celui de l’avant-bras et celui du pied. L’ensemble des tracés montre avec évidence que ces trois courbes sont, dans une large mesure, indépendantes les unes des autres.

D’une part, il peut arriver, en dehors du travail intellectuel et de toute cause connue, qu’il se produise une constriction des artérioles de la jambe, sans dilatation correspondante du cerveau ; d’autre part, quand, pendant le travail intellectuel, il y a une dilatation du cerveau et une constriction de l’avant-bras et du pied, l’augmentation de volume du cerveau atteint son maximum bien avant que le pied et l’avant-bras aient atteint leur minimum de volume ; en outre, l’augmentation du cerveau est tout à fait insignifiante par rapport à la constriction des autres parties du corps. Ces trois raisons sont les principales qui font admettre à Mosso que les théories des précédents auteurs, sur les relations de la circulation cérébrale et de la circulation des membres sont fausses. D’après l’une de ces théories, le cerveau qui travaille se dilaterait activement, attirerait le sang dans ses vaisseaux et produirait indirectement l’anémie du reste du corps ; interprétation inexacte, puisque la perte de volume de la main et du pied est beaucoup trop considérable pour être un effet indirect de la con-

  1. Voir Année psychologique, I (1894), p. 300, 1895.