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l’expédition des affaires ; à Paris, on établit un conseil de six bourgeois, que l’historien Rigord fait seulement connaître par leurs initiales[1], mais dont M. Léopold Delisle a depuis longtemps retrouvé les noms[2]. Ces précautions n’empêchèrent pas Adèle et Guillaume d’agir, pendant la troisième croisade, en véritables souverains. Nous possédons une charte, provenant de l’évêché d’Autun[3], et aujourd’hui conservée aux archives de Saône-et-Loire, par laquelle ils règlent, en vertu de leur pouvoir, des difficultés d’ordre féodal pendantes entre l’évêque d’Autun et l’abbé de Flavigny. Or, s’ils ont soin de dire, dans l’exposé des faits, qu’ils agissent en la place du roi, « dum vices regias gereremus, » ils se bornent à prendre, en tête de la carte, leurs titres ordinaires : « Ale, par la grâce de Dieu, reine de France, et Guillaume, par ladite grâce archevêque de Reims, cardinal du titre de Sainte-Sabine et légat du Saint-siège[4]. »

Blanche de Castille a par deux fois gouverné la France, de 1226 à 1236, pendant la minorité et la jeunesse de saint Louis, et de 1248 à 1252, pendant la croisade d’Égypte ; or, elle n’a jamais songé à faire savoir, en prenant un titre, qu’elle était dépositaire de la puissance souveraine ; il est même à remarquer qu’elle ne s’est jamais nommée, ni en tête des actes royaux, ni dans une partie quelconque de ces actes. Le fait est surtout frappant pour sa seconde régence, pendant laquelle, exerçant l’autorité la plus incontestée, elle a gouverné comme peut le faire un souverain absolu[5].

Au contraire, saint Louis, quand il entreprit, en 1270, la croisade de Carthage, consacra par un terme spécial les fonctions de ceux auxquels il laissait le gouvernement. Mathieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis, et Simon de Nesle, furent appelés

  1. Testament de Philippe-Auguste, p. 100.
  2. Léopold Delisle, Catalogue des actes de Philippe-Auguste, p. lxiii.
  3. A. de Charmasse, Cartulaire de l’évêché d’Autun. Autun, 1880, in-4o, p. 17 (Recueil de fac-similés à l’usage de l’École des chartes, pl. CLXXVI.)
  4. « Al., Dei gratia Francorum regina, et Willelmus, eadem gratia Remorum archiepiscopus, Sancte Romane Ecclesie tituli Sancte Sabine cardinalis, Apostolice sedis legatus. »
  5. Après la mort de Blanche, le gouvernement fut, en principe, remis au prince Louis, fils aîné du roi, mais l’autorité royale fut exercée, de fait, par le comte Alphonse de Poitiers, qui, d’ailleurs, ne porte pas, à cette occasion, de titre spécial, ainsi que nous l’avons démontré. (Saint Louis et Innocent IV, in-8o, p. 385-388.)