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point à de vaines récriminations contre Jean II. Comme après l’assassinat du connétable, il sollicita l’appui et l’alliance des Anglais ; il alla même beaucoup plus loin, puisqu’il leur communiqua tout un plan pour le démembrement et le partage du royaume de France. Il est très vraisemblable, en effet, que le projet copié de la main de l’évêque de Londres a vu le jour aux conférences d’Avignon et qu’il y a été discuté. Approuvé par le duc de Lancastre, il fut soumis à Édouard III, et c’est sans doute pour le convertir en un traité formel, — avec des modifications probables, mais au sujet desquelles on ne peut même pas émettre de conjectures, — que, quelques mois plus tard, un des agents du Navarrais, Colin Doublel, fut envoyé en Angleterre[1]. Malgré les protestations les plus solennelles d’Édouard III, répudiant tout concert avec le roi de Navarre[2], il semble bien qu’une entente ait existé entre eux à cette époque et qu’elle se soit faite sur les bases précédemment indiquées[3].

Au mois d’août 1355, Charles le Mauvais débarquait à Cherbourg, avec une armée, pour y recevoir le roi d’Angleterre, dont la venue était attendue[4]. Les opérations devaient commencer par la Normandie, comme le portait un article du projet. Encore une fois, le danger fut conjuré, grâce à des négociations habiles, dont Jean II prit l’initiative, grâce surtout à la défection du roi de Navarre, qui abandonna son allié pour signer le traité de Valognes (10 septembre), par lequel il obtenait pleine satisfaction[5].

La rupture de l’alliance anglo-navarraise causa une joie très

  1. Secousse, Mémoires, p. 51. — Colin Doublel est cet écuyer qui fut mis à mort, lors de l’arrestation du roi de Navarre, pour avoir voulu porter à Jean II un coup de dague.
  2. Rymer, III, p. 329.
  3. Il est certain qu’à Avignon le roi de Navarre et le duc de Lancastre ne se bornèrent pas à un simple échange de vues. L’un des manuscrits de la Chronique de G. Le Baker de Swynebroke offre une variante intéressante que M.  Maunde Thompson a donnée en note : « … Anno supranominato [1354], invocato presenti sacramento altaris, [Rex Navarre] juravit fidelitatem regi Anglie, quam dominus dux Lancastrie, apud Avinoniam, sibi securitate interposita suscepit. » Il est vrai que le chroniqueur, intervertissant l’ordre chronologique, place le serment de fidélité avant l’assassinat du connétable ; mais le fait n’en subsiste pas moins et l’erreur de date est facile à corriger.
  4. Secousse, op. cit., 51, 55.
  5. Ibid., 56-58.