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exemple de ces revirements soudains, si fréquents dans son histoire[1].


I.

On sait avec quelle préméditation implacable[2], et qui étonne chez un homme de son âge, – il n’avait alors que vingt-deux ans, – le roi de Navarre fit égorger le favori de Jean II, l’un des grands personnages du royaume, allié de près à la maison de France[3]. Ce meurtre, hautement avoué, et qui finalement procura à son auteur des avantages considérables, l’avait mis tout d’abord dans une situation critique. À l’accablement des premiers jours avait succédé, chez Jean II, une violente colère qui aurait pu le porter aux pires résolutions[4]. S’il parvint à maîtriser sa

    tenhove, Froissart, XVIII, p. 353.) La même date est donnée par les Grandes Chroniques, VI, 7 ; elle est généralement adoptée. (Chron. normande, p. 298, n. 5 ; Chronographia regum Francorum, II, 255, n. 2 ; Chron. de Richard Lescot, p. 93, n. 4.) Secousse (Mémoires pour servir à l’hist. de Charles II, roi de Navarre, etc., p. 33), et, d’après lui, Siméon Luce (Froissart, IV, p. li, n. 1) ont indiqué par erreur, au lieu du 8, le 6 janvier.

  1. J’ai utilisé, pour cet article, des documents assez nombreux conservés dans un registre manuscrit de la bibliothèque Cottonienne (Caligula, D. III). Kervyn de Lettenhove en a déjà publié quelques-uns (Froissart, t. XVIII, no  lxxxii. Documents relatifs au meurtre de Charles d’Espagne), parfois d’une façon incorrecte ou incomplète. Ceux qu’il a omis ne sont pas les moins curieux.
  2. La préméditation, qui ne ressort pas très clairement de la déposition de Friquet de Fricamps (Secousse, Recueil de pièces sur Charles II, roi de Navarre, p. 52), est établie avec toute la netteté possible par le propre témoignage de Charles le Mauvais, écrivant au roi d’Angleterre et au duc de Lancastre. (Kervyn de Lettenhove, op. et loc. cit., pièces 1 et 2.)
  3. Il y avait un lien de parenté assez étroit entre la famille royale de France et la famille de la Cerda. (Philippe VI et Alphonse d’Espagne, le père du connétable, étaient cousins issus de germains.) De plus, Charles d’Espagne avait épousé, en 1351, une petite-nièce de Philippe VI, la fille aînée de Charles de Blois. — La généalogie des la Cerda a généralement été rapportée d’une façon inexacte. Voy., sur ce point, un article rectificatif de M. H.-Fr. Delaborde, dans les Mélanges Julien Havet, p. 411-427 : Un arrière-petit-fils de saint Louis, Alfonse d’Espagne. « On devra compter désormais une génération de plus entre saint Louis et Charles d’Espagne, naguère considéré comme son arrière-petit-fils » (p. 414).
  4. Matteo Villani, lib. III, c. 95 (Muratori, XIV, col. 219-220) : « Della quale cosa il Re di Francia si turbò di cuore con smisurato dolore, e più di quattro di stette sanza lasciarsi parlare. » Froissart, éd. S. Luce, IV, p. 130-131 ; Chron. norm., p. 108.