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astres sur l’horizon, mesurée par l’astrolabe[1], indiquait l’heure réelle du point où se trouvait le navire. L’écart entre les deux données marquait exactement la longitude comptée du point de départ.

Mais, si nos marins du Ponant savent demander « leur chemyn au soleil et aux estoilles, » grâce aux « instruments d’astrologie[2], » ils restent réfractaires aux cartes marines, qui réclament, pour être consultées, sinon une certaine intelligence, du moins la connaissance de l’écriture. Du temps de Louis XI, le fameux vice-amiral Colomb apprend bien de maître Robert de Cazel le secret de la « quarte de naviguer[3]. » Trente ans auparavant, l’amiral de France Prégent de Coëtivy étudie laborieusement sa « mappemonde couverte de damas roge broché d’or[4]. » Mais les cartes marines n’indiquaient que l’échancrure des côtes et non leur relief. Ce qu’il fallait à l’ignorance du matelot, c’était un dessin figuré du rivage, la représentation palpable des amers qu’on pouvait facilement reconnaître du large. Pour avoir répondu à ce besoin, le Routier de la mer de Garcie-Ferrande, composé en 1483, eut une vogue extraordinaire ; il fut réédité nombre de fois, lors même que les découvertes de Christophe Colomb eurent doublé le monde et rendu chaque jour plus insuffisant le manuel du Franco-Portugais.

Mais la difficulté pour nos marins de consigner sur une carte le fruit de leur navigation, bien qu’ils sachent parfaitement se diriger au large, les mettra dans un état d’infériorité manifeste vis-à-vis des navigateurs espagnols et portugais et les empêchera de revendiquer plus d’une découverte.

Ch. de La Roncière.
  1. Au musée de Rouen, on conserve un astrolabe fort ancien, qui aurait servi, paraît-il, à Jean de Bethencourt pour son voyage aux Canaries.
  2. Traité du pilote Germain Sorin, xve siècle. (Bibl. nat., ms. fr. 2132, fol. 27.)
  3. Recueil des plus célèbres astrologues, par Simon de Phares. (Ms. fr. 1357, fol. 161.)
  4. Fragment d’inventaire des manuscrits de Prégent de Coëtivy, 24 septembre [1444], imprimé par Marchegay, dans l’inventaire du chartrier de Thouars, p. 16.