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sion et qu’il ne doit pas s’attendre à ce que jamais je vive sous le même toit que lui. Hélas ! lorsque pour obéir à mon père, j’acceptai son nom, combien j’étais ignorante des malheurs qui m’attendaient. Disposée à aimer celui qu’on me donnait pour époux, ne l’ayant vu cependant qu’un instant, avec ma naïveté d’enfant de quatorze ans, il me semblait que je serais heureuse près de lui et j’aurais voulu dès lors ne pas le quitter. Mais on me fit comprendre que telles n’étaient pas les conditions, je devais retourner au couvent pour terminer mon éducation, mon mari ne pouvait s’embarrasser d’une petite fille telle que moi, plus tard seulement je pourrais le revoir. Avec mon imagination romanesque je me fis un idéal de ce mari, qui ne m’avait épousé que pour ma fortune, je mis à souhaiter l’instant devant nous réunir. Combien j’étudiai avec ardeur afin de devenir savante pour lui plaire. J’avais du goût naturel pour les arts, en peu de temps je remportai en peinture, en musique les premiers prix du couvent. Je m’appliquai sur toutes les branches afin qu’à son retour il put être fier de moi. Naïve enfant ! j’étais tellement occupée de lui que j’avais fini par croire que moi aussi je devais avoir une part dans son esprit ; lorsqu’un jour tout l’édifice de bonheur élevé dans mes rêves s’écroula devant une lettre de cet homme sans cœur qui m’a-