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main rassurée je brise le cachet. Voici ce que j’ai lu :

« Le spectre de la mort est bien fait pour briser les résolutions les plus déterminées. C’était décidé je ne voulais plus vous voir ; je vous en avais trop dit, je m’étais condamnée à garder éternellement le silence, lorsqu’un soir vint frapper à ma porte un être hideux à l’aspect décharné. Il ne marchait pas, il semblait se traîner péniblement. Son regard était vague, son teint pâle et livide. Il s’avança lentement vers moi, s’assit à mon chevet et m’enlaçant de ses bras : Viens, dit-il, Caron t’attend ; sans que je pusse me défendre, il m’entraîna rapidement vers la barque fatale. C’en était fait de moi ; j’allais passer le Styx pour entrer au noir Tartare, lorsque le nocher des enfers, n’oubliant pas ce qui lui était dû, s’informa si je pouvais payer le tribut. Sur ma langue nulle pièce ; mon conducteur honteux de sa méprise, m’abandonna bien vite sur les bords du fleuve, et le bateau s’en retourna sans moi. Mais il m’a fallu plus de trois semaines pour revenir de si loin. Dans ce voyage terrible, votre souvenir me poursuivait sans cesse ; ne plus vous revoir était mon plus grand chagrin, et aujourd’hui, après avoir été sur le point d’être séparée de vous pour toujours, je ne me sens plus le courage de refuser la demande que vous me faites dans votre dernière