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des nuits montait lentement dans la nue. L’air était embaumé des suaves parfums des moissons et des fleurs. Aux approches du soir tout se taisait autour de moi, le calme le plus parfait m’environnait. Je me sentais heureuse, émue, cette solitude me plaisait. Mes pensées s’envolaient vers vous, je me disais : Que fait-il à cette heure ? ai-je réellement, comme il me le dit, pris quelqu’ascendant sur son cœur ? se pourrait-il que, sans me connaître, je fusse quelque chose pour lui ? Non, je ne puis le croire ; c’est l’inconnu qu’il cherche, c’est le mystère qu’il veut approfondir, mais ce n’est pas la femme qu’il veut aimer.

« J’en étais à ce point de mes réflexions, lorsque l’on vint me remettre votre dernière lettre. Je l’espérais depuis longtemps ; vous vous êtes fait attendre, mais en revanche quelle tirade. Je ne vous ai jamais connu aussi bourru. Des menaces, je crois que vous m’en faites ; vous m’ordonnez de cesser cet incognito, vous me dites que vous ne pouvez plus vivre ainsi, qu’il ne fallait pas vous écrire, persister dans ma résolution de ne pas me faire connaître n’a plus le sens commun. Mais, monsieur, c’est précisément ce qui vous plaît, tout ce qui est dans l’ordre naturel des chose n’a pas pour vous l’attrait de l’extraordinaire. Si je ne vous avais jamais écrit, si vous m’aviez connue dans un salon, malgré toutes les peines que je me se-