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cence, de ce qui s’agitait au fond de son âme. Elle avait déjà dans son cœur tous les dévouements, les tendresses, les abnégations révélant un véritable amour, sentiments réunis pour n’en compléter qu’un seul, mais ce sentiment elle ne le connaissait pas, elle le subissait, elle eu jouissait, elle en souffrait ; cet étranger dont la présence la subjuguait, elle ignorait son nom, sa puissance.

Plus les jours s’écoulaient, plus les deux jeunes gens se sentaient indispensables l’un à l’autre. Lucienne avait déjà dix-huit ans. Elle avait grandi pour détenir une mignonne jeune fille, non belle, mais jolie, possédant ce charme immarcessible, ce je ne sais quoi d’attirant que les grandes beautés n’ont presque jamais. Outre une grâce parfaite de mouvement, elle avait une simplicité attrayante, une grande réserve unie à un abandon charmant dans sa manière de recevoir, de dire, de converser ; en peu d’années elle avait acquis de nombreuses connaissances. Des notions générales d’histoire, de français, d’anglais, de musique, de chant faisaient d’elle, à cette époque, où l’instruction était si peu répandue au Canada, une personne supérieure.

Pierre se sentait fier de son élève, elle avait depuis longtemps dépassé dans ses études son cousin et sa cousine. Cette dernière était une grande jeune fille de vingt ans, aux traits réguliers, au caractère froid, impassible, n’ayant