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LES FIANCÉS DE ST-EUSTACHE

afin de mettre en action la surabondance d’activité de sa nature, l’institutrice la réprimandait sévèrement, la menaçant des feux d’un autre monde où les petites filles paresseuses seraient punies. La nuit, énervée par un travail trop assidu, elle passait des heures sans sommeil, se demandant si réellement on était dans le vrai, si des punitions terribles lui étaient réservées parce qu’elle n’avait pas voulu apprendre mot à mot une huitaine de longues leçons, plus ou moins énigmatiques pour elle. Alors le désolé de l’absence de ceux qu’elle avait perdus, se faisait sentir plus cuisant, elle pensait à son père, à sa mère, les pleurait dans son petit lit jusqu’à ce qu’elle s’endormit d’épuisement. Le lendemain brisée par les larmes, elle ne se sentait aucun attrait pour l’étude, et recommençait la journée avec la triste perspective d’être réprimandée comme la veille, sinon plus ; n’osant dire que sa santé lui interdisait un tel labeur, puisque personne ne l’eut cru, tous jouissant d’une robuste constitution et n’admettant pas qu’une tension d’esprit trop soutenue pût être injurieuse à un être faible. Elle avait fini par accepter philosophiquement les réprimandes de sa gouvernante, les sarcasmes de son cousin, de sa cousine qui, eux, savaient toujours leurs leçons. Elle se consolait auprès de sa poupée, véritable amie à laquelle elle faisait ses confidences ; la poupée l’écoutait sans rire de ses idées, sans la trouver étrange ;