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LES FIANCÉS DE ST-EUSTACHE

au pli de la robe qui ne se ferme pas comme celui de la voisine, au frottement du soulier sur le parquet, c’est étrange, incompréhensible et pourtant bien vrai, l’atavisme se glisse même dans ce mouvement, et les fait reconnaître comme appartenant à la caste dont ils sont issus.


III


Pierre avait vingt-six ans, une nature enthousiaste, un cœur franc, généreux. Ayant perdu son père très jeune, ne voulant pas entamer le petit capital de sa mère, il avait parfois connu de durs moments. Sa persévérance, son amour du travail avaient aplani les difficultés. Il avait peiné pour orner son esprit d’une éducation solide, afin d’embrasser une profession libérale : ses efforts avaient été bien récompensés, à vingt-deux ans il était reçu notaire, avait acquis en peu de temps une bonne clientèle à Saint-Eustache, où d’après les conseils du docteur Chénier son ami il était allé s’établir.

Le jour où nous le retrouvons Pierre était l’heureux fiancé de mademoiselle Lucienne Aubry, la frêle jeune fille que nous avons un instant entrevue à sa fenêtre laissant tomber une rose aux pieds du jeune homme.

M. Dugal avait connu cette enfant lorsqu’elle n’avait que douze ans, ayant été alors son professeur d’anglais. Comme lui Lucienne était orpheline. Un accident de voiture lui avait en-