Page:Bibaud - Le secret de la marquise, Un homme d'honneur, 1906.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 102 —

Disait la mère ; « hélas ! son mal est radical :
« De l’épouser, monsieur, vous vous trouveriez mal ;
« D’ailleurs, elle devient, de jour en jour moins belle ;
« Je suis, à dire vrai, beaucoup plus jeune qu’elle :
« Plût à Dieu qu’elle fût, de tout point, aussi bien,
« Car jamais, Dieu merci, je ne me plains de rien. »
Elle dit tant, fit tant, qu’à la fin, le compère
Laissa la fille en paix, pour épouser la mère.
Mais le fait dont je parle est passé de longtemps.
Citons, plutôt, des exemples vivants.
Rarement la beauté fut exempte d’envie
Les Grâces ont formé tous les traits de Sylvie :
J’admire, en la voyant, son front noble et serein ;
De roses et de lys se compose son teint :
Elle a le nez, les yeux et la bouche charmante.
Le port majestueux et la taille élégante ;
Elle rit, elle chante, elle parle, elle écrit
Avec grâce, dit tout, fait tout avec esprit :
À la voir, qui pourrait croire qu’on en médise ?
Écoutez, cependant, comment en parle Élise :
« Sylvie est belle, mais on pourrait l’égaler ;
« Et, sur son compte, je… je n’en veux pas parler ;
« Si je vous le disais, vous en seriez surprise.
« — Est-il vrai ? qu’est-ce donc ? que dites-vous, Élise ?
« Vous vous trompez, ma chère. — Oh ! non, je le sais bien,
« Je suis sûre du fait : mais je n’en dirai rien. »

Voilà souvent à quoi porte la jalousie :
Ce n’est pas médisance, ici, c’est calomnie.

« Mon voisin Philaris s’enrichit, » dit Médor ;
« Je ne sais pas, ma foi, d’où lui vient tout son or !