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« On se passe, dit-il, de grec et de latin
« Bien plus facilement que de viande et de pain. »
Ces mots semblent jurer avec son ignorance ;
(Où les a-t-il appris ?) « une telle dépense,
« Un tel déboursement mettrait ma bourse à sec. »
Insensé, s’agit-il de latin et de grec ?
N’est-ce pas le français que ton fils doit apprendre ?
Réponds, et ne feins pas de ne me point entendre :
Si jusqu’à la science il ne peut pas monter.
Qu’il sache donc, au moins, lire, écrire et compter.
Il rit du bout des dents, et garde le silence :
L’avarice l’emporte, il n’est plus d’espérance.

Il neige, il grêle, il gèle à fendre un diamant ;
On arrive en janvier : un avare manant,
Voyant qu’au temps qu’il fait le marché sera mince,
Prend un frêle canot, et se met à la pince.
De la Pointe Levi traverser à Québec
En ce temps, c’est passer la Mer Rouge à pied sec.
Qu’arrive-t-il ? pour vendre une poularde, une oie,
Au milieu des glaçons, il perd tout et se noie.

Combien de gens sont morts à l’Âge de trente ans,
Pour n’avoir pas voulu débourser trente francs !
L’avarice souvent ressemble à la folie :
De même elle extravague et de même s’oublie.
« Ami, comment vas-tu, comment vont tes parents ? »
Dit Blaise à Nicolas, qu’il n’a vu de trois ans :
« D’où te viens cet ulcère aussi noir que de l’encre ?
— « Je ne sais. — Tu ne sais ! malheureux, c’est un chancre.
— « Un chancre ! non. — C’est donc un ulcère, malin.
— « Peut-être. — Eh ! que n’as-tu recours au médecin