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Il veut encore vieillir, encore thésauriser :
La toilette est coûteuse et la vie est fort chère ;
Si Richegris épouse, il mourra de misère.

« Eh ! va dire un plaisant, feignant d’être surpris,
« Apprenez à connaître un peu mieux Richegris,
« Peignez-le sous un jour un peu plus favorable ;
« N’allez pas dire au moins qu’il n’est pas charitable ;
« Sachez qu’il a… — Quoi donc ! vêtu… — Non, mais nourri. —
« Ah vraiment j’oubliais… — Quoi ?… — Le poisson pourri. »
Une année, en avril, sur la fin du carême,
Parmi les indigents la misère est extrême ;
Plein de compassion, Richegris fait prôner
Qu’abondamment il a de l’anguillé à donner :
Il en donne, en effet ; mais une marmelade,
Où surnagent les vers rend le mangeur malade,
Qui, pour remerciement, s’adressant au donneur,
Lui prodigue, indigné, le nom d’empoisonneur ;
Et non sans quelque droit. Si depuis lors il donne,
C’est si secrètement qu’il n’est vu de personne.
Eh ! qui pourrait blâmer Richegris d’avoir soin
Que de ses charités nul ne soit le témoin.

Gourat à ses voisins veut démontrer que riche
Peut, parfois, s’accorder et rimer avec chiche.
De peur qu’on ne le puisse aisément réfuter,
Lui-même, m’a-t-on dit, se plaît à raconter
À quel nombre de tours, de ruses et de finesses,
Il sait avoir recours, pour croître ses richesses.

Aliboron ne voit, ne connaît que l’argent
De bon, de précieux, d’estimable, de grand :
Les lettres, les beaux-arts, les talents, le génie,