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un homme d’honneur

l’heure présente, où seule maintenant pour protéger ses deux enfants, elle voyait se dresser devant elle le fantôme de la misère, avec cet instinct d’altruisme qu’elle possédait à un si haut degré, elle se sentit faiblir, à la pensée des privations qu’ils auraient à souffrir, et succombant sous le poids de sa douleur, elle vint rouler sans sentiment aux pieds de ceux qu’elle aimait.


Teuf, teuf, teuf, teuf, hiche… hiche… e… e, hiche… ish… On arrive. Les voyageurs attendent à la gare avec impatience. Le convoi s’arrête. Un seul passager descend. Les touristes montent en foule dans les wagons, puis la locomotive mugit, s’agite de nouveau pour reprendre sa course vertigineuse, tandis que les voix se perdent dans la distance.

— N’oubliez pas.

— Vous verrez le député.

— Que la bonne fasse attention.

— Qu’il signe, après nous verrons.

— Bonjour, maman.

— Je serai là demain.

Et le vent emporte avec la poussière le bruit des rails, se répétant dans le lointain, interrompant seul le morne calme de cette nature accablée par une chaleur torride. Toute la végétation a une apparence de fatigue, d’épuisement ; les fleurs, jeunes encore, ont le ride de la vieillesse, tant l’atmosphère est oppressante. Les rares passants qui osent affronter les ardeurs de ce soleil de juillet, semblent avoir des visages de cire, où les gouttes de sueur donnent l’illusion de la matière fondante. On a beau s’essuyer de son mieux avec son mouchoir, on est toujours destiné à res-