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un homme d’honneur

ces deux êtres qui lui venaient de lui. En un jour elle avait vu se déchirer le manteau de félicité dans lequel on l’avait tendrement enveloppée ; ce manteau, qu’elle avait cru si durable, s’était soudain éparpillé en lambeaux telles que ces étoffes perforées dont on ignore avant de les secouer la destruction complète. Elle était restée seule dans un monde égoïste, avec un très mince revenu, juste assez pour ne pas souffrir de la misère.

Possédant ces qualités essentielles de la femme d’intérieur faisant beaucoup de presque rien, elle était parvenue jusqu’alors à procurer à ses enfants le bien-être, même l’apparence du luxe auquel ils étaient habitués du vivant de leur père. Avec ses doigts de fée, ses goûts d’artiste, elle savait toujours les parer de manière à ce qu’ils fussent les plus élégants partout où ils se trouvaient. Il en était de même de sa demeure où tout était utilisé, placé avec art ; on sentait en entrant que la maîtresse de céans procédant à l’arrangement de cet intérieur, n’avait qu’un but, le bonheur de ceux qu’elle chérissait. Son esprit était sans cesse occupé de ce qui pouvait leur plaire, leur causer le plus de satisfaction. Dieu l’avait bénie dans ses enfants, en lui donnant un fils et une fille au cœur généreux, la comprenant et l’aimant comme elle le méritait.

Ce jour-là ils avaient bien souffert aussi, ces pauvres orphelins ; mais, comme leur mère, ils avaient caché leur douleur, afin de ne pas augmenter la sienne. Le soir, lorsque, contre son habitude, elle s’était éloignée d’eux pour pleurer à l’écart, ils avaient respecté sa solitude, l’attendant avant de se retirer pour se mettre au lit ;