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un homme d’honneur

mée était lancée dans l’espace, avec la rapidité des sylphes, l’air sur ses ailes, la transportait jusqu’à la fenêtre du second étage d’une jolie maison blanche, où, accoudée tristement sur la croisée, une jeune femme demeurait pensive. Elle tressaillit soudain, un tremblement nerveux agita tout son être. Cachant sa tête dans ses deux mains elle fondit en larmes.

Le fumeur, inconscient de l’émotion que venait de causer l’odeur de son Londrès, s’éloigna à pas lents, ne tardant pas à disparaître au milieu de la foule d’allants et de venants. Au bas de la fenêtre une troupe de joyeux Italiens le remplacèrent, des enfants se groupèrent autour d’eux pour entendre la musique, les sons de la harpe, de la flûte, du violon montèrent aussi jusqu’à la femme en pleurs, accompagnés des cris, des rires des bambins. En bas c’était la joie bruyante, franche, le bonheur inconscient de vivre, en haut le désespoir d’un cœur brisé.

Madame Daulac, depuis le matin de la terrible nouvelle de sa ruine, s’était montrée calme d’apparence, afin de ne pas attrister ses deux enfants ; mais à cet instant cruel où, accablée de son malheur, l’odeur de ce cigare la reportait aux moments heureux où elle avait encore son mari pour la protéger, elle sentit le découragement l’envahir, sans forces elle s’abandonna à son désespoir. Des sanglots convulsifs secouèrent ce corps nerveux, flexible, au fond de son âme se chantait le miserere de toutes ses joies, de toutes ses espérances.

Déjà brisée par la fin prématurée du père de ses enfants, la jeune femme s’était cependant rattachée à la vie afin de se consacrer toute entière à