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un homme d’honneur

le Code de lois civiles, qui reposait sur une table voisine ; un éclair de colère jaillit de ses yeux bleus, d’expression si pacifique d’ordinaire.

— Ah ! le code, le code, dit-il, oui, j’étais en règle avec lui ; mais que le diable emporte le code.

Saisissant le livre, il le lança avec violence à l’autre extrémité de la chambre.

Le malheureux volume tournoya dans l’air et dans sa course vertigineuse atteignit au menton une Vénus de Milo, qui surprise de cette brusque caresse, trembla d’émotion sur sa base, prit un plongeon dans le vide et s’affaissa avec fracas sur le parquet, après avoir, sur son passage, écorché le nez d’un toutou. L’animal, poussant un cri de douleur, vint en se serrant la queue entre les deux jambes, demander raison à son maître de cette brutalité, à laquelle son titre de chien favori ne l’avait pas encore habitué.

— Ah ! mon pauvre Jupiter, dit Paul, en le flattant sur la tête, ce n’est pas à toi que j’en voulais, mais aux hommes, qui, comme l’a écrit Guy de Maupassant, sont bien plus féroces que les plus féroces animaux. Toi, mon chien fidèle, je n’ai rien à te reprocher, tu as toujours été mon ami, franc, loyal, sans hypocrisie, tu ne me feras jamais commettre une injustice, et je suis à me demander si tu n’as pas une âme plus noble que la nôtre, nous qui prétendons être la perfection des créations de Dieu. Nous nous octroyons des droits que vous autres, pauvres animaux, n’oseriez jamais vous donner ; nous, nous nommons justice le pouvoir d’enlever au faible la part qui lui revient, parce que la raison du plus fort est toujours la meilleure. On a avec le ciel des accom-