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un homme d’honneur

Cette phrase bourdonnait à son oreille comme le son d’une cloche funèbre. Il avait dit, cet enfant :

— Ah ! ma pauvre mère malade, que va-t-elle devenir ? Comment peut-on nommer justice une loi qui en décide ainsi ?

Et pâle d’émotion, lui aussi avait quitté cette salle, où un arrêt fatal pour sa famille venait d’être prononcé.

Paul Bienville le suivait de loin en répétant par moment :

— Butor, je suis un butor. J’aurais dû me méfier de Martineau et ne pas accepter cette affaire ; certaines remarques entendues aujourd’hui me font croire qu’il n’est pas aussi innocent qu’il le prétend. Mais j’en aurai le cœur net.

Si le respect humain n’eut retenu l’avocat, dans un élan de générosité qui était le fond de son caractère, il eut de suite rejoint le jeune homme et lui eut dit :

— Pardon, mon ami, pardon, je me suis trompé.

Mais cette chose qui nous domine trop souvent, l’amour propre, le retenait encore et dans son mécontentement, mécontentement de lui-même, mécontentement des autres, il laissa disparaître dans le lointain l’enfant au visage pâle, illuminé de deux grands yeux noirs, exprimant si bien, dans ce front déjà soucieux, combien la vie pour lui agissait en marâtre.

De mauvaise humeur, Paul atteignit son logis, pénétra dans une pièce où un pêle-mêle d’objets de luxe, de bouquins d’étude, se retrouvait dans tous les coins. Se laissant tomber dans un confortable fauteuil, sa main rencontra par hasard