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le secret de la marquise

m’attendait avec impatience, nous passions ensemble de longues heures. Le marquis de Montreuil avait alors vingt-cinq ans, j’en avais seize. Il m’aurait épousée de suite, si l’inimitié qui régnait entre les deux familles n’eût mis un obstacle à cette union, il fallait attendre ma majorité. Le temps s’écoulait, de plus en plus nous devenions inséparables.

La marquise s’arrêta un peu émue ; au bout de quelques secondes de silence, elle reprit lentement comme si la parole lui devenait difficile :

— Hector, que te dirai-je, un jour, jour fatal, que le marquis, tout triste, était venu me prévenir que le roi lui ordonnait de partir sous peu pour l’armée, j’oubliai tout dans un moment de désespoir et d’amour.

Hector étouffa un cri, une sueur froide perla sur son front. Quoi, sa mère qu’il adorait, sa mère qu’il croyait incomparable, sa mère avait failli. Le jeune homme était devenu d’une pâleur mortelle, son beau front penché vers la terre ; il semblait ainsi, dans cette humble posture, vouloir cacher la honte qu’il éprouvait.

Cet homme au noble caractère, pour qui l’honneur des siens était le bien le plus cher, recevait en ce moment un coup terrible, il demeurait comme atterré devant ces révélations.

La marquise avait caché sa tête dans ses mains. Hector demeura longtemps sans pouvoir prononcer une parole. Enfin, s’approchant de Madame de Montreuil, il lui dit avec douceur :

— Ma mère, pourquoi me faites-vous le récit de votre passé ? Si vous avez fait une faute, ce n’est pas à moi à vous juger. N’eût-il pas mieux valu me laisser ignorer cette triste circonstance ? »