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C’est Ganihégaton :
Dans son discours jamais il ne feint ni ne flatte ;
C’est lui qui ne craint pas de dire, à Montréal,
À notre général :
« Je préfère à Québec et Boston et Manhatte. »
Entre ces guerriers, quel est donc
Ce chef à la mâle figure,
À la haute et noble stature ?
Ah ! c’est Kondiaronk ;
Ce guerrier valeureux, ce rusé politique,
Ou, pour dire le mot, ce grand homme d’État,
Cet illustre Yendat,
Presque digne du chant de la muse héroïque.
De quel esprit est-il doué,
Quand, deux fois, par sa politique
Et par son adroite rubrique
L’Iroquois est joué ?
Quand, pour le mot plaisant, la fine repartie,
Laissant loin en arrière et Voiture et Balzac,
Le seul de Frontenac,
Peut avec lui lutter à pareille partie.
Qui prit Michillimakinac,
Fit tomber Corlar dans le piège,
Mit devant le Détroit le siège ?
C’est le grand Ponthiac :
Ce chef parmi les chefs, ce nouvel Alexandre,
Qui des mains d’un rival recevant sa boisson
Dédaignant le soupçon
Contre l’avis des siens, aussitôt l’ose prendre ![1]

  1. Le guerrier Pontiac était brouillé avec les Anglais en 1762 : le major Roberts, chargé de le regagner, lui envoya de l’eau de vie. Quelques guerriers, qui entouraient leur chef, voulaient qu’on rejetât un présent si suspect, ne doutant pas que l’eau de vie ne fut empoisonnée. « Non, dit Ponthiac, l’homme qui est sûr de mon estime, et à qui j’ai rendu de si grands services ne peut songer à m’ôter le jour. » Et il avala la boisson d’un air aussi assuré qu’aurait pu te faire le plus intrépide héros de l’antiquité.