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appartînt à M. de Latour, (le même dont il a été parlé plus haut), soit que les deux commandans fussent trop voisins pour demeurer longtemps amis ; la mésintelligence se mit bientôt entr’eux, et ils ne tardèrent pas à en venir aux armes. Après quelques hostilités de quelque importance, Charnisé ayant appris que Latour était sorti de son fort de Saint-Jean, avec la meilleure partie de sa garnison, crut l’occasion favorable pour s’en rendre maître, et y marcha avec toutes ses troupes.

Madame de Latour y était restée ; et quoique surprise avec un petit nombre de soldats, elle résolut de se défendre jusqu’à l’extrémité. Elle le fit, en effet, pendant trois jours, avec tant de courage, que les assiégeans furent obligés de s’éloigner : mais le quatrième jour, qui était le dimanche de Pâques, elle fut trahie par un Suisse, qui était en faction, et que Charnisé avait trouvé le moyen de corrompre. Elle ne se crut pourtant pas encore sans ressource ; quand elle apprit que l’ennemi escaladait la muraille, elle y monta pour la défendre, à la tête de sa petite garnison. Charnisé, qui s’imagina que cette garnison était plus forte qu’il ne l’avait cru d’abord, proposa à la dame de la recevoir à composition, et elle y consentit, pour sauver la vie à ce peu de braves gens, qui l’avaient si bien secondée. Charnisé ne fut pas plutôt entré dans la place, qu’il eut honte d’avoir capitulé avec une femme, qui ne lui avait opposé que son courage et une poignée d’hommes mal armés. Il se plaignit qu’on l’avait trompé, et prétendit être en droit de ne garder aucun des articles de la capitulation. À la mauvaise foi il ajouta un excès de barbarie qu’on aurait peine à croire, s’il était