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ment semblable au sien ? Que l’on jette les yeux sur l’Europe, que l’on envisage les maux qui accablent les peuples de l’ancien continent, et l’on pourra demander s’il y a un pays plus heureux que le nôtre. Le langage qui vient d’être tenu n’est propre qu’à corroborer celui que l’on tenait en 1810, qu’à faire regarder comme fondées les accusations que l’on débitait sur la loyauté des Canadiens ; et si l’honorable membre croit avoir exprimé les sentimens de la jeune génération, quant à moi, je suis loin de les partager. »

Si la loyauté de M. Bedard semble déplaire à M. Papineau, sa logique, ou son bon sens politique, ne lui plaît pas davantage. Il se montre d’abord étonné que M. Bedard trouve notre constitution bonne, modelée sur celle de l’Angleterre, sans craindre d’étonner lui-même tout le monde, en la voulant faire passer pour mauvaise et très mauvaise, après l’avoir proclamée heureuse et excellente deux fois au moins solennellement, et cela du ton le plus enthousiaste et le plus tranchant. « Cette constitution, continue-t-il, peut être bonne pour un état indépendant, mais non pour une colonie. L’idée d’avoir voulu créer une aristocratie au milieu des forêts[1] ; de pressurer une population pauvre pour faire nager dans le luxe quelques hommes[2] dans un pays nouveau[3], dont les ressources sont si peu développées, est une idée bizarre… Ici, où le conseil législatif dépend des faveurs de la couronne, est composé d’une aristocratie mendiante, c’est un fatal essai

  1. L’Angleterre n’a pas créé une aristocratie dans ce pays ; elle en a trouvé une toute créée, non au milieu des forêts, mais dans des châteaux, ou des manoirs seigneuriaux.
  2. Les conseillers législatifs ne recevaient pas comme tels un seul denier du trésor public.
  3. La colonie comptait alors plus de cent quatre-vingts ans d’existence.