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font-elles par nous seuls ? Depuis quand le respect dû aux autorités n’est-il plus rien ? Sommes-nous la seule autorité ? Faut-il que tout le monde nous obéisse ? et pouvons-nous traiter de traîtres et de renégats ceux qui ne sont pas de notre opinion ?[1] On nous accuse de lâcheté, il y a peut-être plus de lâcheté à l’orateur d’accuser des personnes absentes… Sept personnes ont été souillées de toutes espèces d’injures, sans que, dans un discours de deux heures, on ait rien prouvé contre elles. En sommes-nous donc réduits à ce que M. l’orateur puisse nous dire : « Suivez-moi ; faites, comme moi. » Je réclame, comme contre une chose honteuse, qu’à tout ce qu’il dit, en toute circonstance ; il ne faille que nous soumettre sans mot dire, et ployer sous le joug qu’il impose[2].

Enfin arriva le grand jour de la majorité de la chambre, celui où elle devait considérer l’état de la province. Le 15 février, après l’appel nominal, M. Bedard, un des plus jeunes membres, se lève, et demande que l’ordre du jour soit remis au surlendemain, exposant, (au grand ébahissement de ceux qui n’étaient pas dans le secret), qu’il a à soumettre une longue série de propositions sur l’état de la province.

Le 17, M. Bedard présente le commencement de cette série, qui doit atteindre le nombre de 92, fruit

  1. « La vraie conviction n’est jamais passionnée. Quiconque insulte à ceux qu’il ne peut amener à son opinion est affecté d’autre chose que d’un intérêt de raison. » — Auteur français.
  2. « Le gouverneur, nous dit-on, montre de la méfiance. Je ne vois rien de la sorte… Au reste, ne serait-elle pas bien fondée, bien naturelle, après les expressions dont on s’est servi ? Si nous nous offensons de cette méfiance, n’aura-t-on pas aussi le droit de s’offenser de notre ton ? Que ne pourra-t-on pas dire, lorsqu’en lisant les discours, on verra les épithètes dont on se sert envers la métropole, le gouverneur et le gouvernement ? Ces expressions sortent des bornes de la décence, sont propres à aigrir l’esprit des populations, et les porteront, peut-être un jour, à des égorgemens terribles dans ce pays. »…