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lement, voyant, d’un côté, une opposition insurmontable et de l’autre, une protection insuffisante, il demande au peuple s’il est disposé à endurer tous ces outrages, c’est-à dire, apparemment, s’il s’abstiendra de s’insurger, ou de se ruer sur la chambre pour l’amour de lui.

Pendant que la capitale du Haut-Canada était ainsi troublée par l’incessante turbulence de M. W. L. Mackenzie, le Bas-Canada continuait à être agité, contristé et scandalisé par la licence effrénée de la presse, particulièrement dans le Herald, le Settler, le Vindicator, La Minerve, et l’Écho du Pays, tous mus plus ou moins par l’esprit de parti, et le fanatisme politique dégénérant parfois en démence ; et comme nous l’avons déjà dit, le gouvernement s’était mis dans une impossibilité morale de remédier à ce désordre public[1].

Ce fut sous ce sombre horizon que s’ouvrit le parlement provincial, le 7 janvier 1834. Dans sa harangue, le gouverneur dit aux deux chambres :

« Une partie considérable de la session sera probablement employée à la considération des communica-

  1. « Si pour avoir rempli mes devoirs publics d’une manière habile, honnête et fidèle, je me trouve dans la position qui fait le sujet de cette lettre, quel autre officier public peut être assuré d’être exempt de la même position. Si, en remplissant des devoirs publics fidèlement et d’une manière indépendante, on encourt l’hostilité d’un ou de plusieurs chefs de parti, ou d’un parti politique dans une assemblée coloniale, on pourra, en tout temps, se trouver dans une semblable position, sous un gouvernement qui n’a ni le pouvoir ni la volonté de protéger ses serviteurs, et qui ne répugne pas à en faire un sacrifice de propitiation à l’influence populaire… Mon expérience personnelle quelque nuisible qu’elle me soit, peut être de quelque utilité à d’autres, qui pourront y apprendre à ne pas hasarder leur réputation et leur fortune dans un service, où, en tout temps, ils pourront être brisés, faute de protection légale, par un gouvernement qui n’a aucun égard à la justice due à ses serviteurs, et disposé à les sacrifier volontiers, toutes les fois que la chose paraîtra demandée ou indiquée par une politique tortueuse et à vue courte, par une convenance temporaire, ou par toute autre influence sinistre. » — Lettre de l’hon. J. Stuart à Lord Goderich.