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Il était juste que ceux qui avaient amené, directement ou indirectement, au lieu où se donnaient les suffrages les trois hommes du peuple qui y avaient malheureusement trouvé la mort, les fissent inhumer à leurs propres frais ; mais ils parurent dépasser de beaucoup les bornes du devoir et de la convenance, et purent faire croire à une arrière-pensée, à un but ultérieur et sinistre, en leur faisant « chanter un service de première classe, aux quatre cloches », avec des accompagnemens qui ne se rencontrent pas toujours aux obsèques des premiers d’entre les citoyens[1], et les ridicules exagérations de la Minerve ne contribuèrent pas peu à faire penser que, chez quelques-uns au moins, il y avait quelques motifs bien moins louables que celui du regret et de la sympathie, le désir et le plaisir de pouvoir faire de la triste catastrophe un engin d’agitation, de haine, de dissention, et, peut-être, de guerre civile.

Pendant que la Minerve parcourait impunément la carrière de l’incendiairisme, les journaux anglais parcouraient au moins celle de la violence, des grosses personnalités, particulièrement contre l’orateur de la chambre d’assemblée et contre quelques-uns de ceux qui s’étaient montrés les plus actifs partisans du Dr . Tracey, et notre état de société devenait déplorable. Il devint alarmant pour tous les amis de la tranquil-

  1. « Messieurs les amateurs ont accompagné l’orgue de leur chant. On estime à plus de cinq mille le nombre de ceux qui étaient présents à cette triste cérémonie. Les sanglots des assistans, le deuil peint sur tous les visages, le recueillement religieux des assistans, l’église tendue de noir, les magasins de presque tous les Canadiens fermés, ainsi que beaucoup d’Irlandais, d’Américains et d’autres, sont plus éloquents que tout ce que nous pourrions dire. Après le service, les restes de MM., Languedoc, Billet et Chauvin ont été accompagnés jusqu’au champ du repos par plus de deux mille personnes. On a vu au convoi funèbre, les plus respectables de nos concitoyens, entre autres l’honorable orateur de la chambre d'assemblée qui suivait immédiatement les corps. »