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mûri leur jugement ; autrement ils courent le risque de compromettre leur avenir, en faisant ce que, dans la suite, ils voudraient pour beaucoup n’avoir pas fait, après avoir reconnu que le parti embrassé avec chaleur n’était ni le plus sage ni le plus sûr ; ou qu’il n’était ni sûr ni sage de l’embrasser trop chaleureusement. Le journaliste, l’orateur, l’historien, qui, loin de chercher à réprimer, à modérer du moins la fougue des jeunes gens, chercherait à l’exciter, nous paraîtrait manquer essentiellement à son devoir public. Les hommes âgés, les sages, ne doivent pas seulement à la jeunesse le sourire de la bienveillance et des bons souhaits ; ils lui doivent encore l’avis de se garder de son âge. Montesquieu avoue qu’il y a dans son premier ouvrage, ses Lettres Persannes, des étourderies de jeune homme, des juvenilia.

Des orateurs, ou des journalistes comme ceux qui alors étonnèrent nos oreilles, ou éblouirent nos regards, auraient pu mettre en feu toute la Grèce, à l’exception, peut-être, de la Béotie, et le sang français qui effervesce[1] dans les veines de notre jeunesse, ne lui permet pas de résister longtems et victorieusement à l’impression des harangues flamboyantes et des diatribes inflammatoires ; et l’on ne doit pas en être surpris, quand on réfléchit que des discours ou des écrits médiocrement violents ont pu transmuer le phlègme germanique en bile noire, et fanatiser des cerveaux allemands[2].

  1. Bouillonne nous paraît trop fort, et coule, trop faible.
  2. Témoin, le jeune assassin de Kotzebue.

    Les gazettes qu’il avait lues, les harangues qu’il avait entendues, ou le portrait noir qu’on lui avait fait de lord Dalhousie, avaient troublé le cerveau « d’un jeune étudiant en médecine, de la paroisse de Saint-Valier, nommé Vallières, (dit-on). Il vint à Quebec, a la fin d’avril 1827, et confia au docteur Painchaud le dessein qu’il avait formé d’assassiner le gouverneur en