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furent poussées à de si criants excès, que le général Murray fut forcé de lui interdire toute fonction de plaidoirie dans toute l’étendue de la province. »

« Par la proclamation royale du mois d’octobre 1763, (nous continuons à citer, en substance, M. Du Calvet), le Canada fut associé, de théorie, au corps des colonies sujettes de l’Angleterre ; mais les Canadiens ne furent pas associés, de pratique, à la jouissance des prérogatives de citoyens. La porte aux dignités publiques de leur pays leur fut constitutionnellement fermée ; la nation conquérante, par les mains de ses individus nationaux, envahit de volée et d’emblée toutes les places du pays conquis ; et les Canadiens furent, pour ainsi dire, déclarés étrangers, intrus, esclaves civils, dans leur propre pays. »

Nous aurions regardé ce langage comme exagéré, si nous n’avions pas eu, pour nous convaincre du contraire, le témoignage du général Murray lui-même. « Le gouvernement civil établi, il fallut, dit-il, faire des magistrats et prendre des jurés d’entre quatre cent-cinquante commerçans, artisans et fermiers méprisables (principalement par le défaut d’éducation). Il ne serait pas raisonnable de supposer qu’ils ne furent pas enivrés du pouvoir ainsi mis entre leurs mains, contre leur attente, et qu’ils ne furent pas empressés de faire voir combien ils étaient habiles à l’exercer. Ils haïssaient la noblesse canadienne, à cause de sa naissance, et parce qu’elle avait des titres à leur respect : ils abhorraient les paysans, parce qu’ils les voyaient soustraits à l’oppression dont ils avaient été menacés. La représentation (presentment) des grands jurés de Québec (tous Anglais et protestants) met hors de doute la vérité de ces observations[1]. Le mauvais choix d’un

  1. Ils représentèrent les catholiques comme une nuisance, ou à peu près, à cause de leur religion.