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apprentissage. On peut d’ailleurs se rendra compte du travail de son esprit comme romancier. Dans La Double Maîtresse, le poète des Poèmes anciens et romanesques se sent encore à chaque page. On le retrouve moins dans Le Bon plaisir. On ne le retrouve presque plus dans Le Mariage de Minait. Dans Les Vacances d’un jeune homme sage, il n’y a déjà plus que le romancier.

La réputation de M. Henri de Régnier s’établit de bonne heure chez les lettrés. Un des promoteurs les plus en vue du mouvement littéraire appelé symboliste, il n’est pour ainsi dire pas une des revues, tant françaises que belges, suscitées par ce mouvement, où il n’ait écrit. Bientôt connu des maîtres, il fréquenta chez Leconte de Lisle, et fut aussi, selon les justes expressions de M. Francis Vieilé Griffin, qu’il faut également compter parmi eux, de « ces jeunes hommes qui, guidés par leur seule foi dans l’Art, s’en furent chercher Verlaine au fond de la Cour Saint-François, blottie sous le chemin de fer de Vincennes, pour l’escorter de leurs accalamations vers la gloire haute que donne l’élite ; qui montèrent, chaque semaine, la rue de Rome, porter l’hommage de leur respect et de leur dévouement à Stéphane Mallarmé hautainement isolé dans son rêve ; qui entourèrent Léon Dierx d’une déférence sans défaillance et firent à Villiers de l’Isle Adam, courbé par la vie, une couronne de leurs enthousiasmes ».

Après Les Lendemains et Apaisement, M. de Régnier publia Sites, en 1887, et Episodes, en 1888, deux recueils où sa personnalité commençait à apparaître C’est toutefois dans les Poèmes anciens et romanesques, publiés en 1890, qu’elle se manifesta vraiment pour la première fois, et ce n’est pas trop dire que lui seul pouvait écrire les vers de ce recueil, comme presque tous les poèmes qu’il a écrits depuis. C’est dans les Poèmes anciens et romanesques que M. de Régnier commença à se servir du vers libre, soit pour le mêler à des alexandrins, soit pour écrire des pièces entières. On en a dit, de ce vers libre employé par lui, qu’il n’est qu’un alexandrin morcelé, et il l'est souvent, en effet. M. de Régnier n’en a pas moins écrit, avec ce vers libre, des poèmes remarquables au plus haut point par leur harmonie mystérieuse, pleine de nuances, de langueur et de fluidité.

Tel qu’en songe suivit les Poèmes anciens et romanesques, en 1893. C’est dans ce recueil que se trouve le poème La Gardienne représenté au Théâtre de l’Œuvre en 1894. Il est écrit en vers libres et en alexandrins. C’est un drame à personnages emblématiques plein de morceaux sonores, dune longue coulée, et dans lequel M. de Régnier à fait revivre la grande période à rimes plates, délaissée depuis Hugo et Leconte de Lisle.

En 1893, parut la première œuvre en prose de M. de Régnier,