Page:Bever-Léautaud - Poètes d’aujourd’hui, I, 1918.djvu/281

Cette page n’a pas encore été corrigée
275
SÉBASTIEN CHARLES LECONTE

Vous viendrez, du Mimas et de l’Edon, Ménades,
Bacchantes dont le lierre emprisonne le front,
Hurlantes, déchaînant la frénétique extase
De l’ardente thyase…
Et vos thyrses feuillus dans mon sang fleuriront.

Mais quand mon dernier cri, passant dans leur haleine,
Soulèvera d’horreur leur aile surhumaine,
Mes strophes porteront, palpitantes encor,
Des Montagnes de Thrace aux plages d’Ionie,
Ma clameur d’agonie,
Dans leur suprême accord.

Mais la Mort ne fait pas, en touchant le Poète,
Le ciel silencieux et la Terre muette,
Puisque plus fatidique est le chêne abattu,
Et voici que la plainte immortelle du Monde
S’éveille plus profonde,
A l’heure où le Chanteur, qui la disait, s’est tu.

Sur la glèbe fertile et la lande sauvage,
Voici que naît et sourd et s’enfle et se propage,
Comme la vie obscure au fond de l’élément,
Des ramures des pins aux cheveux de l’yeuse,
Une onde harmonieuse
Irrésistiblement.

Elle court et grandit, se déroule, enveloppe
Et l’Hémos sourcilleux et le morne Rhodope,
La terre pélasgique et les neiges d’Œta…
Et vous écouterez, dans les nombres du thrène,
Cette ode souveraine,
Telle que nulle oreille encore n’écouta,

Des cimes aux vallons, les accents se répondre
De l’hymne universel où tout va se confondre,
Au souffle tout puissant des rythmes inspirés,
Et la sagesse sainte et le sacré délire,
Et les voix de la Lyre
Où vous vous unirez,