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POÈTES D’AUJOURD’HUI

Le Monde mortel et Le Devenir. Puis viendra la troisième partie, avec plusieurs livres, qui formeront eux-mêmes plusieurs volumes.

« L’œuvre est une. De même que tous les volumes se relient les uns aux autres, se font suite et se pénètrent par l’idée générale et les motifs musicaux, comme les instants d’un drame lyrique, de même tous les poèmes sont solidaires et se complètent, voix multiples pour un dire unique. C’est pourquoi ces poèmes n’ont point de titre, comme habituellement, mais simplement des numéros de chapitre. Seuls, la marche et le mouvement des idées y marquent des sortes de strophes, un peu irrégulières, car la strophe ancienne est répudiée par le poète au même titre que les silves de poèmes sans pensée générale et écrits uniquement selon l’inspiration. Le rêve scientifique domine cette œuvre où l’auteur, dans son écriture, veut synthétiser les différentes formes d’art, littéraire, musicale, picturale et plastique. Toute œuvre poétique n’a de valeur qu’autant qu’elle se prolonge en suggestion des lois qui ordonnent et unissent l’Etre total du monde, évoluant selon des mêmes rythmes, conclura, en 1904, l’édition définitive sous le titre ne variétur de En méthode à l’Œuvre, que portait déjà l’édition de 1891. Et l’auteur procédant en compositeur bien plus qu’en littérateur, il faut le comprendre comme le musicien verbal d’un grand drame où se fait, avec seulement des mots auxquels il prétend donner des significations orchestrales, une synthèse à la fois biologique, historique et philosophique de l’Homme depuis les Origines. »

Ainsi, du moins, l’explique M. René Ghil.

Comme on le voit, et comme on le verra encore mieux en le lisant, M. René Ghil n’a aucun des défauts du poète. Il ne laisse rien à l’inspiration, à la fantaisie, au charme changeant de la rêverie. Tout dans son œuvre est réglé d’avance, le nombre et le titre des volumes, le sujet et la place des poèmes, peut-être même la quantité de vers de chacun. C’est qu’un poète qui chante la Science se doit d’être clair et sensé, et de bannir de son œuvre toutes les séductions du style et de l’imagination.

M. René Ghil a collaboré à La Décadence, au Décadent, à La Pléïade, 1re série, au Scapin et à La Vogue, 1re série, 1886 ; — aux Ecrits pour l’Art, 1887-1890 ; — à La Wallonie, 1887, 88 et 89 ; — à la Revue indépendante, 4e série, 1889 ; — à L’Art littéraire, 1894 ; — à La Question sociale, 1897, etc. Il a également fait reparaître, sous sa direction et celle de M. Jean Royère, Les Ecrits pour l’art, pendant une année (1905-1906) Il publie régulièrement, depuis 1904, des études sur la poésie française dans la revue Viessy (la Balance), de Moscou.