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le débutant

faite, et les chiens aboyer dans la campagne, reprit, avec sa verve blagueuse :

— Bah ! nous aurons bien le temps de nous occuper de réformes sociales un autre jour. Nous sommes jeunes, libres ce soir, profitons de l’heure qui passe. J’ai de l’argent plein mes poches, ça me gêne beaucoup, faute d’habitude. Il me faut dépenser au moins cinquante sous tout de suite. Je t’offre à dîner au restaurant. Après, nous irons passer la soirée à l’Extravaganza, un théâtre où l’on voit des choses fort intéressantes.

— Est-ce un théâtre de genre ?

— De jambes…

— Alors, on ne s’y embête pas trop ?

— C’est du burlesque américain. Il y a des numéros que tu n’apprécieras guère, ou plutôt, que tu apprécieras trop à leur juste valeur. Mais les expositions de beautés plastiques t’en dédommageront. Et précisément, ce soir, on nous annonce un numéro spécial épatant, une danseuse, une vraie Trouhanoya, exécutant une de ces danses voluptueuses égyptiennes qui ranimaient les sens blasés des Pharaons. Ça nous fera faire, à peu de frais, un petit voyage des plus agréables en Orient.

Les deux amis dînèrent, au Restaurant Ravide, rue Sainte-Catherine, où, pour la modique somme de vingt-cinq sous, l’on mangeait des tripes à la mode de Caen, des saucisses aux choux et d’excellent pain français dont la maison avait la spécialité. Jacques Vaillant fit des largesses, il se fendit d’un dollar en commandant en plus du repas de table d’hôte, une bouteille de vin.

À huit heures et quart, joyeux et dispos, Vaillant et Mirot s’installèrent à l’orchestre de l’Extravaganza, qui commençait à se remplir. En attendant la re-

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