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le débutant

qu’elle eut proféré une seule parole. Elle savait tout. Il en fut atterré. Elle le croyait perdu, avec cette mauvaise femme. Il essaya de lui expliquer l’aventure, le mieux qu’il put. Mais elle ne comprenait qu’une chose, c’est que cette femme était anne salope, elle qui toute sa vie s’était montrée si réservée, même dans ses épanchements légitimes, avec l’oncle Batèche. Tout ce qu’il put obtenir, c’est qu’elle ne dirait rien à son oncle, qui était capable de bavarder ensuite, lui ayant représenté que cela nuirait à sa candidature à la mairie. Il lui promit, en retour, de partir le matin même avec sa prétendue fiancée, et de revenir seul ou marié, la prochaine fois.

Dans le train, Simone pleura quand elle apprit la vérité. Paul avait dû tout lui dire, ne pouvant la tromper comme l’oncle Batèche sur le motif de ce départ précipité. L’absence de la tante Zoé au moment des adieux eut suffi, du reste, pour faire comprendre à la jolie veuve qu’elle était la cause de ce retour précipité dans la métropole.

C’était une belle journée et la campagne était toute fleurie et animée le long de la ligne du Grand Tronc, qui les conduisait à Montréal. Quand ils arrivèrent à la ville, il faisait déjà une chaleur écrasante. Aux alentours de la gare, des italiens stationnaient devant leur petite voiture-glacière et criaient de leur voix chantante, rebelle à l’accent anglais : Ice cream !… Ice cream ! Une belle fille des pays du soleil jouait de l’orgue de barbarie, un peu plus loin. Les cochers de place mêlaient leur note basse, mouillée de gin, à ce concert discordant de la rue et, bredouillaient, sans conviction : Cab, Sir ! Cab, Sir ! Et le bruit agaçant des tramways, le cliquetis de chaînes et de moyeux de lourds camions étouffaient, dominaient tout ce vacarme. Ce tapage incessant

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