Page:Bessette - Le débutant, 1914.djvu/174

Cette page a été validée par deux contributeurs.
le débutant

Durant la soirée, les amoureux écoutèrent distraitement l’oncle Batèche leur parler de son intention de se porter candidat à la mairie au mois de janvier. Tout le monde lui assurait une élection par acclamation, la chose lui étant due en raison de ses services passés. Il les entretint ensuite des élections parlementaires prochaines, dans la province de Québec. On commençait à annoncer la candidature d’un homme du comté contre l’honorable Vaillant, qui aurait peut-être de la misère à se faire réélire parce qu’on disait qu’il voulait détruire les curés pour faire plaisir aux Anglais. Ses ennemis, et ils étaient nombreux, citaient le fait que son fils avait renié sa race en épousant une protestante. Il en était à énumérer les événements notables de l’année : les mariages, les mortalités, les malheurs de l’un qui avait dû vendre sa terre pour payer ses dettes, les succès de l’autre prêtant maintenant de grosses sommes d’argent sur hypothèques, lorsque la tante Zoé, après avoir déposé sur la table le bas de laine qu’elle ravaudait, annonça qu’il était temps d’aller se coucher.

Une heure plus tard, Paul était dans le jardin, attendant Simone, qui ne tarda pas à le rejoindre. Les amoureux s’éloignèrent jusqu’au bout d’une allée, bordée de carrés d’oignons et de concombres, où ils s’arrêtèrent et se dirent de si tendres choses, au clair de lune, que la tante Zoé, qui ne dormait pas et les avaient suivis, en fut toute bouleversée, n’en pouvant croire ses yeux ni ses oreilles.

Paul sommeillait profondément, le lendemain matin, lorsqu’une main un peu rude, une main qu’il connaissait bien, qui l’avait éveillé tant de fois dans le passé, lorsqu’il faisait la grasse matinée, le tira de son sommeil. Il ouvrit les yeux et aperçut, près de son lit, la figure sévère de tante Zoé. Il comprit avant

174