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le débutant

une jolie fortune en manipulant les fonds électoraux, lorsque son parti était au pouvoir. Quand venait le temps des élections, on voyait ce type de politicien taré, parcourir les comtés de la province, les poches bien garnies, payant au besoin de sa personne dans les joutes oratoires, distribuant des dollars aux électeurs et des injures à ses adversaires politiques. Madame Montretout, dont son mari ne se souciait guère, s’occupait aussi d’élections, et ses élus étaient toujours de beaux hommes qu’elle parvenait à attirer en leur offrant ses charmes opulents. Un athlète avait, entre autres, obtenu ses suprêmes faveurs. C’était un lutteur remarquable, bâti en hercule, qui faisait accourir les amateurs de sports brutaux, au parc Sohmer. Madame Laperle fut mise au courant de l’aventure par l’héroïne même, qui lui témoignait beaucoup de confiance. Par curiosité, la jolie veuve s’était laissée entraîner un soir jusque dans la loge de l’athlète, cédant aux instances de cette amie perverse qui voulait lui faire palper les muscles de son vainqueur. Les manières grossières et la fatuité de ce champion des luttes à bras-le-corps la dégoûtèrent aussitôt. Elle jura qu’on ne l’y reprendrait plus et brisa toutes relations avec madame Montretout.

La pensée de l’athlète faisait naître en lui un sentiment étrange de malaise et d’inquiétude, un sentiment auquel il se refusait de donner le nom de jalousie. Il dormit à peine quelques heures sur le matin, et se leva tôt pour courir rue Peel, prendre congé de Simone. Il la trouva pâlie et nerveuse,

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