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le débutant

Paul Mirot avait décidé de partir seul, et c’était aussi l’avis de Simone qu’ils devaient s’imposer cette épreuve nécessaire pour avoir le loisir, l’un et l’autre, de mesurer dans la solitude et l’éloignement, la profondeur de leur amour. C’était la première fois, depuis qu’ils s’aimaient, qu’ils allaient passer plusieurs jours sans se voir.

Cependant, tous deux songeaient qu’ils souffriraient d’être isolés l’un de l’autre, qu’il leur faudrait renoncer momentanément aux satisfactions du cœur, aux causeries de chaque jour, et sans se l’avouer, ils se demandaient s’ils auraient le courage de supporter cet isolement. Leur amour était aussi ardent que profond, un amour n’admettant aucun partage, se refusant à toute concession aux obligations sociales et aux exigences de la vie dont personne n’est dispensé.

Le jeune homme devait partir la veille de la fête. Au dernier moment, il remit son départ au lendemain. Il voulait passer quelques heures encore auprès de cette femme qui était l’unique joie de son existence tourmentée. La soirée fut triste et le souper d’adieu sans entrain. Simone manquait d’appétit et Paul n’avait pas le cœur gai. Le jeune homme passa une nuit fort agitée, et il resta longtemps, les yeux grands ouverts, dans les ténèbres, songeant à des choses auxquelles il n’avait jamais pensé encore et qui lui revenaient, comme une obsession quand il avait réussi à les chasser de son esprit. Il se rappelait qu’au début de leur liaison, Simone lui avait raconté des histoires peu édifiantes sur le compte de madame Montretout, l’épouse d’un médecin sans clientèle, qui avait réussi à s’amasser

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