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le débutant

Il glissa à ses pieds et s’écria, dans une pose d’adoration :

— Tu es mon Dieu !

Elle se jeta à son cou, émue jusqu’aux larmes, et ne trouva que ces paroles pour exprimer l’intensité de son émotion :

— Quel beau blasphème !

Elle se fut abandonnée sans la moindre résistance si, à ce moment, il avait voulu la prendre. Mais, il se contenta de se blottir contre sa poitrine, comme un gros bébé, et de se laisser dorloter jusqu’à l’heure où elle le congédia.

Tous les jours, après le journal, elle l’attendait maintenant chez-elle, rue Saint-Hubert, et le gardait jusqu’à six heures. Parfois, leur tête-à-tête se prolongeait plus tard, sans que ni l’un ni l’autre ne s’en doutât, et, heureux de s’être ainsi oubliés, ils avaient vite fait d’en prendre leur parti. Elle l’envoyait chercher quelque chose à manger, du beurre, du pain frais, pendant qu’elle préparait le café, et ils dévoraient ensemble ce menu improvisé, sur la petite table du salon.

Jacques Vaillant n’ignorait pas que Paul Mirot faisait de fréquentes visites à madame Laperle, mais il se montrait d’une discrétion parfaite. Les deux amis avaient perdu l’habitude des longues promenades en revenant du Populiste. Paul quittait Jacques au coin de la rue Dorchester, sous prétexte qu’il avait à travailler, et, sans s’arrêter chez lui, courait où il se savait attendu avec impatience.

Un jour, Vaillant le retint de force :

— J’ai besoin de toi.

— Ah !

— J’espère que tu ne te déroberas pas, quand je t’aurai dit que la démarche que nous allons faire t’in-

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