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quelque peu podagre, se porta au-devant de son hôte, en s’appuyant sur une haute crosse de cornouiller.

« Ah ! clarissime seigneur, lui cria, en riant, Cécilius, tu ne m’as donc invité que pour me faire dévorer par tes chiens !

– Excuse ! dit Martialis, cette bête rustique n’a pas l’habitude du beau monde… Allons, Fidèle ! Paix !… Mais où est donc ce portier maudit ? Holà, portier ! Tu dors ? »

Tout tremblant, l’esclave se montra dans l’embrasure étroite de la porte. C’était un vieillard enchaîné, lui aussi, comme le chien, et d’une ossature si mince et si frêle qu’il semblait un fantôme flottant sous les plis de sa longue blouse blanche. Il se jeta aux pieds de Martialis :

« Pardonne, maître ! Le chien a l’habitude d’aboyer au moindre bruit. Et puis je n’avais pas bien entendu !… »

De son doigt approché de l’oreille, il fit signe qu’il était un peu sourd.

« C’est absurde, dit Martialis en attestant son ami, de faire garder une porte par un Tithon de cette espèce. Je vais tancer mon fermier et lui enjoindre de t’envoyer à la ville, pour garder les enfants : tu n’es plus bon qu’à cela.

– Non, maître ! Laisse-moi mourir ici !

– Mais quel âge as-tu, pour vouloir déjà mourir ?

– J’ai ton âge, maître, dit l’esclave… Eh quoi ? tu ne te souviens pas ? Je suis Speratus avec qui tu as joué tout enfant. Quand ton père, aux Saturnales, te donnait des sigillaires, tu partageais avec moi les poupées et les bonshommes d’argile…

– Par Pollux ! cela ne me rajeunit pas, s’exclama le vieillard, en se tournant vers Cécilius.

– Laisse-le à la campagne et ôte-lui sa chaîne, conseilla le visiteur apitoyé.

– Tu entends ? dit Martialis au portier.

– Non, maître ! je t’en prie, laisse-moi dans ma loge.