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dans la cour, à regarder les charmeurs de serpents qui, au son d’une flûte et d’un tambourin, faisaient danser ces reptiles inoffensifs.

Après l’heure de la sieste, le vacarme causé par les charmeurs devint tellement assourdissant que Cyprien dut renoncer à toute velléité de travail. Pour comble d’ennui, la lettre de Cécilius n’arrivait toujours pas. L’évêque envoya Pontius interroger Goudoul à ce sujet, et, comme le diacre rentrait, disant qu’aucun messager n’avait paru, Delphin, le cubiculaire, pénétra dans la chambre, tout agité et palpitant d’une grosse émotion : il venait de croiser Salloum, le cabaretier éconduit, au moment où celui-ci sortait des bains. Le Maltais l’avait accablé d’injures, mais Delphin s’était éclipsé si prestement que l’autre n’avait pas eu le temps d’exciter un scandale dans la rue.

« Encore ce cabaretier ! fit Cyprien, en réprimant un mouvement d’irritation : il va nous attirer quelque avanie !… Je te l’avais bien dit ! Pourquoi l’avoir éloigné ?…

— Bah ! répondit Delphin : demain, il aura perdu nos traces ! »

Et il s’excusa de n’avoir point caché à son maître cette ridicule algarade. Encore sous le coup de la dispute, son ressentiment l’avait emporté. En réalité, il était entré chez Cyprien pour un autre motif : un homme était en bas qui demandait à entretenir l’évêque dans le plus grand secret.

« C’est l’envoyé de Cécilius Natalis ? lança joyeusement celui-ci.

— Non, dit Delphin, c’est un homme que Nartzal, un de nos muletiers, a rencontré chez un marchand d’orge… Mais ils vont t’expliquer eux-mêmes… »

Et, sur un signe d’acquiescement, il introduisait, l’instant d’après, les deux individus. Nartzal, maigre et osseux, montrait une figure ascétique, un corps tellement desséché que ses camarades l’appelaient par plaisanterie « le gymnosophiste ». Presque toujours taciturne, l’air