Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II

À THUBURSICUM

Lorsque Cyprien se réveilla sous la tente, il se prit à répéter machinalement les paroles du psaume que Pontius avait commencé la veille : « Defecit sanctus ! Il n’y a plus de saints !… » Et cela le frappa d’abord comme un mauvais présage. Mais aussitôt son cœur d’apôtre se raffermit… Si ! il y aurait encore des saints, peut-être plus que jamais. La force de l’Esprit divin, inépuisable en son effusion sans fin, ne pouvait manquer, même en ces tristes jours. Comme cette forêt, qu’il voyait du seuil de sa tente, ces arbres gorgés de sève, cette prairie soulevée par les germes printaniers, la terre d’Afrique baignée par le sang des fidèles suppliciés allait faire fructifier la bonne semence…

Il vivait ainsi dans une exaltation continuelle entrecoupée par des retours de froide raison, une raison d’administrateur, positive et clairvoyante à la romaine. Cette sagesse pratique n’avait rien de médiocre ni de bas, parce qu’elle tendait vers une fin sublime.

Dans le tumulte trivial du campement, il fit ses préparatifs de départ, avec une joie sereine.

Tandis que les deux soldats reprenaient le chemin de Thuburnica, le convoi reformé se dirigeait vers Thagaste. On sortit de la forêt. Les bouquets d’arbres devenaient