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à croire que quelqu’un rangeait des étoffes dans une chambre voisine. Puis, plus rien que le battement plus ou moins perceptible de leurs cœurs, comme si le flux vital baissait à chaque minute, se tarissait en eux.

Le lendemain, Cécilius était assis par terre devant un tas de minerai qu’il s’occupait à trier. Célérinus, avec sa démarche traînante, son air las, sa longue figure triste, s’approcha de lui et le toucha à l’épaule :

« Frère, dit-il, lève-toi ! Un prêtre est arrivé de là-haut !…

– Un prêtre ! s’exclama Cécilius. Il vient de la part de Birzil sans doute !…

– Parle bas, il y a danger peut-être ! C’est un inconnu : il dit que cela presse, qu’il faut rassembler les frères au plus vite… Je t’en prie, va chercher Flavien au carrefour des trois galeries : moi, je vais appeler les autres. »

Ils travaillaient aux environs. Quelques instants plus tard, tous étaient réunis dans la crypte. Jader arriva le premier, son fouet sur l’épaule. Les autres suivirent, traînant leurs chaînes, avec leurs visages verdâtres, leurs mains souillées de boue, noircies par le minerai, toutes saignantes de crevasses et d’écorchures. Nartzal, apercevant l’inconnu, se précipita vers lui, les bras ouverts. Il s’écria :

« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

Et il voulut lui donner le baiser fraternel. Mais l’envoyé l’écarta doucement :

« Hâtons-nous ! dit-il, car les méchants nous épient. »

Puis, d’un ton plus bas, avec un accent de charité si pénétrante, que tous sentirent leur cœur se fondre d’amour dans leur poitrine :

« Je suis venu pour rompre avec vous le Pain de vie…

– Tu es prêtre, n’est-ce pas ? demanda Nartzal.

– Oui !… pour l’éternité… Sacerdos in æternum ! » Ses paroles sonnèrent avec une solennité étrange. Ils le regardèrent vaguement inquiets. C’était certainement un étranger. Il portait un long manteau de laine brune