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quotidienne la rentrée à l’étable de la crypte. Cécilius éprouvait les mêmes nausées qu’au premier jour. Il ne pouvait s’accoutumer à cette puanteur de sentine, à ces ordures, à ces chiffons, à ces détritus accumulés, à toute cette saleté au milieu de laquelle il fallait manger et dormir. Çà et là une paille gluante et à demi pourrie recouvrait le sol. Bien heureux encore quand on en trouvait un petit tas pour s’y étendre. La plupart du temps, on s’allongeait sur la terre nue, enveloppés dans des lambeaux de vêtements et dans de vieilles couvertures trouées. La vermine pullulait et, avec elle, les rats, les souris, les araignées. Parmi celles-ci, il y en avait de monstrueuses dont les piqûres provoquaient de furieuses démangeaisons, quelquefois l’enflure ou l’engourdissement d’un membre. Ces bêtes malfaisantes composaient l’unique faune de la mine, de même qu’on n’y connaissait point d’autre flore que les livides calices écumeux qui se balançaient en guirlandes sous les rondins de soutènement.

A de certaines époques, les suintements perpétuels des parois se transformaient en de véritables inondations. Le sol mou se diluait. On vivait dans la boue, on s’y enlisait, pour dormir, comme dans un marécage. Cette sensation de froid visqueux devenait épouvantable pour Cécilius, dès qu’il pouvait penser. D’ordinaire, dans la tranchée, au milieu des heurts, des chocs, des écroulements et des éboulements de matière, il était comme écrasé et anéanti. Son cerveau se paralysait. Mais quelquefois, dans la fange de la crypte, pendant le répit laissé au sommeil, son esprit se réveillait de sa léthargie. Il était le dormeur dont les yeux s’ouvrent tout à coup, qui n’a plus conscience ni de lui-même, ni de l’endroit où il se trouve et qui s’évertue à rattacher la minute présente au souvenir de sa vie passée, qui le fuit. La notion du temps s’abolissait pour lui. « Quelle heure était-il ? Que faisait-on là-haut ?… Que devenait Birzil ? Pourquoi cette absence, ce mutisme obstiné ?… » Et, au milieu des ténèbres qui