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vous. Comme mes ancêtres, j’ai parcouru dans votre cité toute la carrière des honneurs : vos monuments et vos arcs de triomphe s’en souviennent, si vous l’avez oublié. »

Là-dessus, la foule cria :

« C’est un complice du sacrilège !

— Un mauvais citoyen qui dilapide sa fortune au profit des chrétiens et qui ne donne rien aux anciens clients de son père ! clama un parasite.

— C’est un criminel !

— Et voilà votre erreur et votre injustice ! » reprit Cécilius, en rejetant les plis de sa toge.

Il avait escaladé les rostres où, malgré l’irritation non dissimulée de Rufus, il prit place et se dressa avec un air de maître :

« Si nous sommes des criminels, dit-il, prouvez nos crimes. Sinon, relâchez-nous ! Que signifie cette procédure illégale ?

— Tu le sais, dit le préfet avec irritation, vous êtes poursuivis comme ennemis de Rome et de l’Empire !

— Et nous n’acceptons pas cette accusation calomnieuse. Ce n’est pas nous qui assassinons vos Empereurs : ils n’ont pas de meilleurs soldats que les nôtres. Si nous voulions, nous pourrions exciter des émeutes dans vos villes et dans vos provinces : nous sommes assez nombreux pour cela ! C’est pourquoi vous pouvez nous décimer : vous ne viendrez pas à bout de notre multitude. Il vous faudrait pour cela dépeupler l’Empire ! Si nous mourons, c’est afin d’accroître votre injustice, de la rendre plus manifeste et plus scandaleuse. Tuez-nous : il en restera toujours ! À quoi bon nous défendre ? Nous avons assez prouvé que nous n’avons pas peur de la mort ! »

À l’autre extrémité de la basilique, un prêtre de Saturne vociféra :

« C’est parce qu’on vous tolère que les dieux se vengent en nous envoyant des fléaux et des guerres !

— Vous seuls en êtes responsables ! riposta Cécilius. Ce sont vos vices qui attirent le châtiment ! Changez vos