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au premier de tous vos devoirs, la charité envers votre prochain pour l’amour de Dieu. Comme pères de familles, vous avez à votre charge les corps aussi bien que les âmes des vôtres… Ne l’oubliez pas !… »

Honoratus le rhéteur secouait la tête en écoutant Cyprien :

« A quoi bon, dit-il, nous préoccuper de toutes ces choses, — de l’Empire, de nos cités, de nos maisons et de nos biens ! La fin du monde est proche, tout cela va passer !

– Oui, reprit l’évêque, les signes précurseurs, tels qu’ils ont été prédits, paraissent annoncer l’approche du Juge. Les famines, les pestes, les tremblements de terre, les nations dressées les unes contre les autres, les Barbares aux portes, la guerre épuisant et désolant le monde entier, — toutes ces calamités, nous les souffrons aujourd’hui. Mais, en réalité, nous ne savons ni l’heure ni l’instant. Et même, si le jour de colère est imminent, il ne faut pas que la trompette de l’Ange ne convoque autour du Tribunal que des morts ou des infidèles. Il faut que nous entretenions ici-bas la race des Justes. Et c’est pourquoi vous devez vivre !… »

En disant ces mots, l’évêque se tourna vers les artisans et les misérables :

« Vous ne devez pas courir à la mort, mais y marcher d’un pas ferme, quand il vous est impossible de l’éviter. Le but du chrétien, ce n’est pas la mort, mais la vie, — la Vie éternelle. Vous ne devez rejeter cette vie mortelle que si elle vous empêche de gagner l’autre ! »

Quelques exaltés se méprirent sur le sens de ces paroles et, croyant que Cyprien blâmait la confession publique, firent entendre un léger murmure. Il les calma du geste :

« Je connais, dit-il, votre généreuse ardeur, votre impatience de gagner la couronne. Et pourtant, frères très aimés, laissez-moi vous le dire : le premier degré dans la vertu, c’est de confesser Notre-Seigneur, quand nous