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des dévastations qu’elle avait subies autrefois sous Maximin le Thrace. En regard de ces calamités qui semblaient à la veille de bouleverser tout le monde romain, que pesaient des tribulations et même des drames domestiques ? Que Birzil épousât ou non le légionnaire Victor, cela n’avait qu’une médiocre importance, alors qu’il s’agissait des destinées de l’Église tout entière, peut-être du salut de l’Empire et du monde !… »

Le père meurtri et désabusé se livrait à ces réflexions chagrines. Et pourtant il se disait : « Birzil est ma fille. Au moment où je cours vers je ne sais quel destin, je dois pourvoir à sa sûreté et à son avenir. Ce qui est arrivé à Cyprien peut m’arriver demain, tout à l’heure même. Il ne faut pas tarder ! » Il voulait, dès le soir, se mettre en route pour Carthage. Il partirait la nuit, afin que son absence fût, autant que possible, ignorée de son entourage. Trophime, son écuyer, qui avait sa confiance, s’occupa des préparatifs du départ, tandis que lui-même prenait ses dispositions pour Birzil. Il écrivit à Julius Proculus qu’un voyage impossible à différer l’obligeait de quitter Muguas pour quelque temps. Que celui-ci, jusqu’à son retour, voulût bien garder la jeune fille : il l’en suppliait. La question de mariage qui avait causé leur brouille momentanée, — il l’espérait du moins, — recevrait prochainement sa solution. Il se proposait justement de consulter à ce sujet un ami sûr et dévoué. Mais comme, à la veille d’un long voyage, il fallait tout prévoir, il avertissait Proculus qu’il laissait la totalité de sa fortune à Birzil et qu’en cas de confiscation, il resterait à celle-ci trois petites fermes, héritage de sa mère, et une somme de cinq cent mille sesterces confiée par lui à Marcus Martialis… Il régla encore quelques autres affaires, prescrivit quelques paiements, distribua des cadeaux à de vieux serviteurs, des gratifications à des esclaves dont il était satisfait. Quand tout fut en ordre, il erra mélancoliquement, jusqu’à la nuit tombante, à travers les appartements et les jardins de sa villa.